top of page

ENTREVUE / INTERVIEW

Esthesis

With: Aurélien Goude

71244321_411277202866025_509476649801927
CLEPSYDRA.jpg

ALBUM REVIEW HERE

Alain Massard - November 2025

PROFILPROG : Tout d’abord merci d’avoir accepté l’invitation. J’aimerai que tu débutes par une présentation personnelle, tes musiciens, en sachant que cet interview sera édité au Canada avec ProfilProg.
AG : Bonjour ProfilProg ! Je suis Aurélien Goude d’ESTHESIS, je joue les claviers et je chante dans le groupe. J’écris et compose la musique également, même si dans ce nouvel album il est important de souligner que le titre bonus Abyss a été cette fois-ci co-composé par tous les membres. Marc Anguill joue la basse, Arnaud Nicolau la batterie, Rémi Geyer les guitares et Mathilde Collet les parties chants additionnels et chœurs.

PP : Tu joues de la musique depuis longtemps ? Qu’est-ce qui t’a amené à faire de la musique ?
AG: Je joue du clavier depuis l’âge de 11 ans. J’ai commencé par le piano, en autodidacte. Enfant, j’adorais jouer de la musique classique et les musiques de film que j’appréciais. J’ai suivi des cours d’harmonie jazz et de solfège pour essayer de comprendre mieux ce que je joue souvent d’instinct. Pour ce qui est de composer, Esthesis est né en 2019 avec notre premier EP « Raising Hands » qui aujourd’hui n’est plus disponible car épuisé. J’écoutais déjà énormément de musique lorsque j’étais plus jeune mais vers 2012, j’ai commencé à vouloir composer moi aussi de la musique, j’étais un peu lassé d’écouter de la musique sans en faire. Je sentais que j’avais des choses à proposer et faire sortir de moi. Alors j’ai énormément composé, seul d’abord, puis avec le groupe, et en 2019 il y a eu ce premier EP, suivi de deux albums en 2020 et 2022 qui ont remporté un certain succès. Aujourd’hui, c’est notre troisième album qui sort, « Out of Step », et on en est vraiment très fiers.

PP : Quelles sont tes plus grandes influences ? Et question subsidiaire : le jazz et la musique classique arrivent-t-ils en tête pour toi ?
AG: Vaste question ! Je suis réellement influencé par tout type de musique. Ça ne m’a jamais dérangé d’écouter The Dark Side Of The Moon puis d’enchainer juste après avec un album de Rammstein, pour revenir ensuite à du jazz fusion ou de l’électro. Ça fait partie de ma vie et de mon parcours musical. Quand j’étais plus jeune, j’écoutais déjà de tout et c’est vrai que la musique classique résonnait particulièrement en moi. C’est moins le cas maintenant dans Esthesis, mais je suis un grand amateur de la musique de Beethoven, Bach et Satie. Le jazz pas forcément, même si j’adore de temps à autre et effectivement cela m’a influencé pour notre précédent album, qui lorgnait vers la musique jazzy. C’était une sorte de « film noir » en musique. Au niveau de mes influences actuelles et celles qui ont porté « Out of Step », je citerais le post rock et la coldwave (Sigur Ros, Slowdive, Mogwaï, The Cure, Bruit…), le post metal (The Ocean, Russian Circles…) mais aussi l’indus et le trip hop (Massive Attack, Nine Inch Nails, Portishead…), en passant par l’ambient, l’art rock et la musique de film (Brian Eno, David Bowie, Angelo Badalamenti…). Mais ce ne sont que des influences qui permettent, au début de la production d’un album, de savoir dans quelle galaxie musicale je souhaiterais aller cette fois. J’ai remarqué que même si je veux m’éloigner du style Esthesis, ça finit toujours par sonner comme rien d’autre que du Esthesis. C’est un tout cohérent. C’était moins le cas avec notre tout premier EP et album où je me cherchais naturellement encore.

PP : Tu sors ce troisième album avec une orientation bien plus heavy que les 2 premiers albums, un souhait du groupe, une évolution ?
AG: Avec Out of Step, l’idée était de proposer un album extrêmement immersif et contrasté. L’album le plus planant et ambient qu’on ait proposée, mais aussi le plus pêchu d’Esthesis afin de pouvoir avoir des moments très heavy sur scène, et pas uniquement planants comme notre premier album The Awakening, ou jazzy et art rock comme dans Watching Worlds Collide. Cet album comporte en effet quelques très grosses montées en intensité et crescendos, ce que nous apprécions particulièrement dans Esthesis, ains que quelques structures très progressives et labyrinthiques (sur le morceau éponyme par exemple). Le chant de Mathilde est également un peu plus mis en avant que le précédent album. On aime bien alterner nos deux voix depuis Watching Worlds Collide. Sur cet album, je dirais que je reviens à un jeu très « en nappes » de claviers sur cet album, avec des synthétiseurs à la fois analogiques (moog) et numériques. J’ai énormément travaillé mes sons sur cet album. Il sonne beaucoup plus froid et sale que le précédent album. C’était la volonté depuis le début. La section rythmique a été un sacré défi aussi à mettre en boîte. Arnaud a proposé beaucoup de choses et s’est pas mal lâché, la batterie est donc bien plus en avant cette fois-ci car il a beaucoup gagné en confiance sur cet album. Marc aussi a introduit un jeu plus slap qu’auparavant, ce qui contribue à l’atmosphère très « métallique » de l’album. Enfin, on a beaucoup plus mis en avant les guitares sur l’album, avec plus de riffs et de passages post rock.

PP : Peux-tu nous parler un peu du sens de la pochette avec cette figure, une Naïade ?
AG: Concernant la pochette, c’est de nouveau une de mes photos, comme les trois albums précédents. C’est cohérent avec mon style photographique, où j’adore travailler sur les contrastes et les ombres. L’idée, au départ, était de s’éloigner un peu du noir et blanc de "Watching Worlds Collide", qui évoquait donc le film noir, mais finalement, revenir à un esthétique noir et blanc s’est imposée d’elle-même. Ce n’est pas un noir et blanc pur d’ailleurs : je dirais plutôt du gris. Cette photographie a été prise lors d’un voyage récent au Japon, près d’un lac d’Hokkaido. Rien n’était prévu. Mathilde a fait cette pose spontanément, et j’ai tout de suite su que c’était une image forte. En regardant la photo sur mon écran, je me suis dit directement : “Celle-là deviendra certainement un jour une pochette d’album.” Et effectivement, elle illustre parfaitement le titre « Out of Step ». La posture est étrange, presque en décalage avec l’environnement, et elle suscite la question : que regarde-t-elle ? Que se passe-t-il ? Comme pour « Watching Worlds Collide », chacun peut y projeter sa propre interprétation. Certains y voient un envol, d’autres une danseuse, d’autres encore une figure mythologique ou une naïade effectivement. Et c’est ce que j’aime : cette ambiguïté, ce questionnement visuel qui complète la musique. J’aime toujours que le sens des pochettes d’album reste ouvert, qu’il n’y ait pas forcément de réponse claire derrière.

PP : Un album avec Rémi bien intégré dorénavant dans le groupe, quelle est sa place réellement dedans au vu de ce qu’on demande au guitariste en général ?
AG: Rémi est en quelque sorte le petit nouveau dans Esthesis, même si sa première apparition live avec nous date déjà d’il y a 2 ans lors du concert au Prog en Beauce en 2023. L’idée avec cet album était pour lui de trouver sa place dans le groupe et j’ai forcément dû le guider un peu plus que Arnaud et Marc qui avaient déjà l’habitude de l’esprit d’Esthesis. Il s’en est super bien sorti, j’adore les sons qu’il utilise, qui sont très post rock et post métal dans l’esprit. Il apporte un côté plus rageur et moderne à Esthesis. On a également beaucoup travaillé sur l’aspect hypnotique de certaines de ses lignes de guitare. Je pense qu’on va continuer dans cette direction pour le prochain album. Si ça ne tenait qu’à moi, j’aurais encore envie qu’on salisse un peu plus encore les sons de guitare. Il y a très peu de solos aussi sur ce nouvel album, on tenait à se renouveler sur ce point et à déclencher une émotion autrement cette fois. Et puis on ne va pas se mentir, on avait déjà beaucoup de très beaux solos sur les anciens albums, alors ça permettra d’équilibrer un peu en live avec des ambiances plus aériennes, et d’autres précisément plus pêchues désormais.

PP : Le concept, le monde déshumanisé, le repli sur les écrans, comment as-tu essayé de faire ressentir ce phénomène nouveau dans les morceaux ?
AG: Cet album parle effectivement du sentiment de déphasage avec le monde actuel. Lorsque j’ai composé "Watching Worlds Collide", c’était au moment où la guerre en Ukraine éclatait en 2022 - un choc qui a inspiré le titre lui-même : des mondes qui s’affrontent. Trois ans plus tard, on se rend compte que la situation ne s’est pas arrangée, qu’au contraire d’autres tensions se sont ajoutées un peu partout dans le monde. C’est un climat qui finit par imprégner la création. J’avais besoin d’écrire quelque chose de plus direct, de sortir certaines émotions, et de ressentir la solitude. C’est assez simple en musique de ressentir cela finalement car les gens ne voient que le résultat et 5% du travail qui a permis d’aboutir au résultat. Cela a demandé 1 an et demi de travail et d’être « hors du bruit » (donc des réseaux sociaux) pour arriver à ce qu’on voulait. Du coup, l’atmosphère de l’album est effectivement bien plus sombre, à l’image du concept. Cela se ressent particulièrement dans les sons de synthés choisis, parfois très bruitistes comme sur Out of Step ou The Storm, ou certains choix de production. J’adore le fait qu’on ait terminé certains morceaux d’un coup, très abruptement. Ça va très bien avec le concept, comme s’il y avait un aspect un peu déphasé. Les métriques aussi sont importantes, le fait d’avoir des passages en 7/8 (par exemple sur The Frame et The Storm) font qu’on sent qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, qui ne tombe pas bien sur les temps et qui dérange. Ça fait aussi partie du concept et ça se ressent inconsciemment.

PP : En général, on a un frontman chanteur, un guitariste qui se démarque dans un groupe ; comment s’organise la place de chacun des membres à l’intérieur ?
AG: Esthesis a toujours été basé sur le clavier en premier lieu. Quand on regarde, et mis à part quelques exceptions, quasiment tous les titres ont quelque part une base de piano ou de nappes de synthés, pour ensuite évoluer vers quelque chose qui laisse la part belle à la section rythmique et aux guitares. C’est cela qui donne l’identité du groupe aussi et qui fait qu’aujourd’hui, je ne connais à mon sens aucun autre groupe émergent qui sonne comme nous. On peut être inspiré de certains groupes passés, je sais qu’on nous cite souvent Porcupine Tree, mais c’est clairement beaucoup moins le cas depuis 2 albums et les arrangements sont très différents. Le son d’Esthesis est beaucoup plus orienté vers les claviers que les guitares. Pour ce qui est de la place de chacun dans le groupe, je propose toujours une base complète pour les titres d’Esthesis, que je compose et j’écris, avec tous les instruments et une voix déjà posée sur les morceaux en général. Ensuite, nous arrangeons ensemble les morceaux pour pouvoir leur donner un aspect plus technique. Je ne suis pas vraiment bassiste ou batteur, donc Marc et Arnaud par exemple apportent forcément une technicité aux compositions que je n’ai pas, car pour leurs instruments particulièrement, je me sers de plugins sur les démos. Généralement, en 1 ou 2 versions max, j’ai une base de titre qui me plait. Comme je le disais en introduction, la différence est que cette fois-ci, je tenais à ce que le titre bonus, Abyss, soit proposé par tout le groupe. Arnaud a travaillé de zéro sur un pattern de batterie, magnifiquement technique d’ailleurs, que j’ai complété directement avec des nappes de claviers, puis Marc et Rémi se sont greffés pour ajouter de superbes arpèges de basse et de guitare. On est vraiment fiers de ce morceau qui sonne très atmosphérique et moderne à la fois. De manière générale, la section rythmique a énormément gagné en confiance et puissance sur cet album. Chacun a passé beaucoup de temps à peaufiner les moindres détails sur ce point ! Enfin, le chant de Mathilde est également un peu plus mis en avant que le précédent album, ce qui n’était pourtant pas forcément prévu. On aime alterner nos deux voix depuis Watching Worlds Collide. On ne se transformera pas en Anathema pour autant, mais Mathilde apporte beaucoup au son.

PP : Dernière question plus personnelle : Aurélien et chacun d’entre vous, vous vivez la musique comme un exutoire, une thérapie, un passe-temps, les trois à la fois ou autre chose ? (Et pourquoi !)
AG: C’est une très belle question. Je ne répondrais évidemment pas pour les autres membres, mais de mon côté en tout cas, je crois que si je dois être honnête, c’est vraiment une thérapie et un exutoire à la fois. Ce n’est clairement pas un passe-temps, je vis pour la musique et je respire la musique depuis mon plus jeune âge, ça fait donc partie intégrante de moi et je souhaiterais naturellement porter ce groupe et mon label le plus loin possible, tout en ne perdant jamais mon âme. Si je vois qu’on va vers quelque chose qui ne me correspond plus, que ce soit sur le plan musical ou personnel, et que je ne suis pas heureux, alors je le dis franco : j’arrêterai directement Esthesis, sans hésiter. En attendant, chacun a un travail régulier de son côté, la musique n’est pas un milieu facile, mais on a tous envie de voir où ce groupe nous mènera un jour, ce sera la surprise. On a énormément de chance de vendre déjà plusieurs milliers d’albums depuis 5 ans et d’arriver au niveau auquel nous sommes, même si on est écoutés par une niche musicale pour l’instant. Je le dis souvent mais sans les gens qui écoutent notre musique, on ne serait personne. Vraiment. On est tous extrêmement reconnaissants d’avoir un public à notre niveau. C’est le plus important.

PP : A force de répondre à des questions bien ciblées, je propose ici un espace pour dire ce qui est le plus important pour le groupe aujourd’hui !
AG: Merci ! Eh bien, si j’avais quelque chose à ajouter, je dirais deux choses : d’une part, que j’encourage les gens qui écouteront cet album à l’écouter au casque ou sur le meilleur système hifi possible, de A à Z, plutôt le soir ou la nuit. C’est un album volontairement nocturne et immersif donc pour l’avoir expérimenté nous-mêmes, c’est la meilleure façon de le découvrir.
Et d’autre part, j’encouragerais simplement aussi les gens qui ont apprécié cet album à se procurer celui-ci sur notre boutique officielle Bandcamp en format CD, vinyle ou même digital. Pour être sincère, nous avons forcément besoin du streaming pour passer une étape et être visible, mais on sait très bien que ça ne fait pas vivre les groupes et personnellement ça me dérange de plus en plus. Déjà, avec cet album, nous avons proposé pour la première fois une sortie décalée de deux semaines pour prioriser nos nombreux précommandeurs, ce qui était aligné avec nos valeurs. Mais si on ne vendait pas autant d’albums en support physique, Esthesis serait déjà mort et enterré depuis 5 ans, c’est une certitude. Si le public souhaite que l’on continue et qu’un 4e album voit le jour à l’avenir, la meilleure chose pour nous soutenir est donc simplement de se procurer nos trois premiers albums en support physique ou téléchargement digital - https://esthesis.bandcamp.com

PP : Merci d’avoir répondu et bonne chance pour la sortie de ‘Out Of Step’.
Un grand merci à toi Alain, et au plaisir de vous lire sur ProfilProg !

FOLLOW US

  • YouTube Social  Icon
  • Facebook Classic

CONTACT US

CRÉÉ ET MAINTENU PAR PROFIL 1994 to 2025

bottom of page