Voici un disque qui est une sorte d’ovni sorti de nulle part, et provenant d’un multi instrumentiste hyper doué se nommant Dimitri TOONEN. Ce musicien Allemand avait déjà enregistré un premier opus très prometteur il y a trois ans « Leave My My Mind Sometimes », dont la pochette laissait augurer du meilleur, un visage féminin à la MAGRITTE s’y détachait et TOONEN nous offrait déjà un aperçu de ce que pouvait être une musique moderne et chaude à la fois.

Pour ce qui nous concerne à présent, point de visage féminin sur la couverture de ce nouvel album « Sounds From Emotions », enregistré aux PAYS BAS, mais le portrait peint du musicien de face et très légèrement orné de ce qui semble être des roses rouges brisées. D’emblée, il ne faut surtout pas se fier à la première impression à l’écoute du prologue débutant l’album, et qui est un tantinet « jazzy », car la suite du disque ne l’est absolument pas et prendra une tournure bien plus ambitieuse.

Dimitri TOONEN chante pas mal du tout et joue de presque tous les instruments sur ce disque, il s’est adjoint cependant de quelques bons musiciens pour le soutenir dans cette noble tâche. Venons-en à présent et après ce long préambule, au style musical du musicien qui se situerait à mon sens dans la mouvance d’un post KING CRIMSON moderne et saccadé, et ce dès le deuxième titre orientalisant « Decapitation ». On y constate que TOONEN est un excellent guitariste et qu’il tient parfaitement la six cordes par le biais d’accords très sophistiqués dans la veine d’un Guthrie GOVAN auquel quelques plans certainement involontaires sont empruntés, excusez du peu. Ainsi le climat général de l’album se dessine durant cette composition-là plus représentative. De surcroît, le musicien possède une voix bien calibrée qui donne tout l’impact à ce titre tout en puissance.

Comme son titre du disque le laisse supposer, les thèmes composés et interprétés par Dimitri TOONEN proviennent des émotions qu’a pu ressentir le musicien vers la fin de son adolescence, selon ses dires, il faut préciser qu’il est lui-même l’auteur de la quasi-totalité de tous les textes présents ainsi que de la musique et de la production globale de ces sons émotionnels pouvant s’apparenter à une autothérapie. Après ces sept minutes assez intensives, les choses s’apaisent sensiblement, et Dimitri calme le jeu de sa voix feutrée sur « You Can’t Change My Mind »au thème classique pourtant hachuré, et ce grâce aux sonorités guitaristiques élaborées.

La composition qui suit « Elusive Facts » en est le parfait exemple, elle est l’idéale synthèse d’une mélodie déstructurée à l’image de ce que savait parfaitement créer Mister Robert FRIPP. La voix de Dimitri n’est pourtant pas exceptionnelle, comme le fut jadis celle de John WETTON mais elle s’inscrit parfaitement dans le cadre de ce puzzle alambiqué, durant lesquel les riffs Crimsonniens sont légion et particulièrement sur ce titre tout en cassure. L’utilisation du piano n’y est cependant pas étrangère, la dualité avec la six cordes donne la dimension idéale voulue par TOONEN à ce morceau, tout cela ponctué par une partie de cello bienvenue. La voix caressante de Dimitri refait surface sur « Uncertain Future », très joli morceau sur lequel une fort belle partie de violon et de cello apporte le coté apaisant que désire souligner TOONEN.

Les accords ouatés de piano de « This Morning » créent une impulsion différente à l’album, ponctué par une intervention de saxo de Patricio PÖRCHER de toute beauté, mais les rebondissements qui suivent, notamment avec un superbe solo de guitare précédent une avalanche vocale. Preuve en est, s’il en était encore besoin que nous avons affaire sur cet album à une œuvre progressive et contemporaine de haut vol. D’ailleurs ce titre est sans doute une des pièces maîtresses d’un album d’une richesse infinie, l’intervention finale du même saxo le démontre particulièrement. « When Nobody Likes You » qui fait suite est sans aucun doute le titre le plus Wilsonien du disque, voire aussi proche d’une ambiance à la PORCUPINE TREE dans sa construction, mais ceci constitue pour moi une référence absolue, car la modernité de cette composition n’a d’égal que ses nombreuses influences inspirées par le prestigieux musicien Anglais. Les guitares, tenues aussi par Dimitri sont superbement enregistrées et particulièrement sur cette composition ou la six cordes est interprétées en acoustique au début et intensément électrique à la fin de ce puissant titre.

« My Dark Passenger » qui fait suite apparaît vaguement en retrait par rapport au morceau précédent qui se voulait plus rentre dedans et se présente ainsi comme le miroir parfait du musicien tel qu’en lui mème, ce titre n’est pourtant pas anecdotique car ses rebondissements permettent d’évaluer le talent et le ressenti de Dimitri TOONEN. Nous arrivons déjà à l’épilogue de cette œuvre magistrale et les dernières notes de piano/guitare doublés de cello donnent l’impression de la fin d’un film dans lequel on s’est immergés avec délectation, et dont nous sortons les yeux pleins d’images sonores dans la tête.