L’étiquette polonaise LYNX MUSIC nous a déjà révélé dans le passé de grands artistes polonais : MILLENIUM, LOONYPARK, BELIEVE, ALBION, AMAROK, pour n’en nommer que quelques-uns. Aujourd’hui, je vous invite à faire connaissance avec un de leurs nouveaux groupes polonais : SCREAMING EARTH. Leur premier album, « From manure to the stars », fut d’abord publié en 2021 sur Bandcamp, mais en format uniquement numérique. Il est maintenant officiellement lancé en CD, via évidemment LYNX MUSIC. À noter que cette nouvelle version est identique en tous points à la sortie numérique, à la seule différence que le CD a une pièce en moins, et ce tout simplement parce que le groupe trouvait que cette pièce ne s’intégrait pas bien avec le reste de l’album.

SCREAMING EARTH, c’est un duo originaire de Warsaw, en Pologne : Rafał REDOSZ joue l’ensemble des instruments, alors que son collègue Andrzej ENDE PODŚCIAŃSKI s’occupe de toutes les voix. Leur premier album nous offre du progressif de type un peu psychédélique par moments, mais surtout planant. Un planant non ennuyant, bien agrémenté de moments plus énergiques. Il s’agit d’un album-concept, ayant comme thème les troubles sociaux au 21ème siècle. Musicalement, il n'y a pas de mélodies récurrentes à travers l’album; le concept est plutôt présent dans les paroles. REDOSZ a mentionné qu’il trouve important de d’abord décider du thème d’un album, puis de décider ensuite du style musical, avant de commencer à composer. Il trouve également essentiel d’accoucher d’une musique qui peut d’abord être jouée tout simplement sur un piano ou sur une guitare acoustique, avant de lui ajouter un enrobage. Je suis d’avis qu’il a bien réussi cela avec cet album. Côté visuel, la pochette de « From manure to the stars » rappelle beaucoup celle de « Brother Where You Bound » (SUPERTRAMP). On y voit l’évolution de l'être humain, avec cette fois une fin intrigante : un humain qui tombe sur le dos et qui, je trouve, ressemble à un extra-terrestre.

Les inspirations de REDOSZ, qui est l’auteur-compositeur de toutes les chansons sur cet album, sont évidentes. La liste d’artistes qui suit provient de sa bouche, et j’aurais sensiblement énuméré moi-même cette même liste : pour les paroles, Roger WATERS, et pour la musique, PINK FLOYD, GENESIS, YES, KING CRIMSON, UK, PORCUPINE TREE et Steven WILSON. Bon, en réalité, on n’entend pas beaucoup de GENESIS ni de YES sur cet album, mais le reste des artistes énumérés m’apparaît approprié! J’ajouterais aussi à cette liste ELOY, dont le style planant énergétique peut être entendu à plusieurs endroits sur cet opus, entre autres sur la superbe « Duke’s World ». Cette chanson possède un puissant riff de guitare en introduction, langoureux et mélodieux, et un intermède musical qui rappelle IQ, avec des claviers à la « Road of Bones ». La pièce instrumentale « Obsessive Observation » rappelle « On the Run » de PINK FLOYD (c’est étrangement la dernière pièce de l’album alors que « On the Run » était plutôt au début de « Dark Side of the Moon »; j’avoue que cela a confondu quelque peu mon cerveau, qui criait à la fin de cette pièce « quoi, l’album est terminé ??!!! ») Comme autre lien avec les flamants roses, on a le début de l’autre instrumentale de l’album, la pièce-titre « From Manure to the Stars ». Ce morceau rappelle d’abord l’album « Is this the life we really want » de Roger WATERS au niveau de l’ambiance et des voix en arrière-plan (voix qu’on entend d’ailleurs à maintes reprises tout au long de l’album). Puis, il rappelle « Welcome to the Machine », cette dernière au niveau des accords, du rythme et du feeling. Dans cette même magnifique pièce, lente et planante, les claviers sont prédominants, tout comme les voix et bruits en arrière-plan, le tout évoquant ce que je crois être la télédiffusion du lancement d'une navette spatiale. Avant de poursuivre, mentionnons une dernière potentielle influence. « Will Be Gone Tomorrow » est l’histoire d’un jeune garçon qui part à la guerre dans le désert, trop jeune. La guitare me fait penser à une pièce de FISH (ex-chanteur de MARILLION) intitulée « The Pilgrim's Address », une de mes chansons préférées du grand écossais, dont le thème est également un jeune qui sacrifie sa vie à la guerre. Sur cette chanson, le jeune interpelle le président du pays; le protagoniste de la pièce de SCREAMING EARTH fait exactement la mène chose. Dans les deux pièces, le jeune s’adresse à « Mr President ». Je trouve la coïncidence intéressante! (à moins que ce ne soit pas une coïncidence ???) La deuxième partie de cette chanson fait entendre une voix plus grave, à la Roger WATERS, et c’est magnifique.

Les quatre autres morceaux de l’album sont « Ash and Diamonds », plus lourd et psychédélique que le reste de l’album, avec des solos de guitare prolongés, racontant la pauvreté d'un africain et son accès difficile à l'eau potable (« He drinks water from a clay pot, I've got a green lawn watered every day, He crawls through a waste dump to get few drops »). « Is This What We Meant? » est la pièce la plus éclatée sur ce CD, avec des changements d'ambiance et du xylophone inattendus. Sur « Unmasked Dreams », on retrouve une envoûtante guitare, alors que « Suzane and Pete », avec un folk créé par une guitare acoustique, est l’intéressant mouton noir musical de l’album.

Le premier opus de SCREAMING EARTH s’avère une très belle réussite. Dès la première écoute, j’ai été frappé par le mélange de planant et de mouvements; j’ai trouvé cela rafraîchissant et j’ai adoré. À mon second tour d’écoute, j’ai plutôt ressenti une certaine redondance. Il m’a fallu six ou sept autres immersions pour réellement apprécier la profondeur des morceaux, leur originalité et leur singularité. Je vous recommande donc vivement une écoute répétée de cet album: il y a de fortes chances que vous soyez, vous aussi, conquis!