C’est formidable la passion ! Elle peut engendrer le grand amour. Elle peut nourrir notre quotidien ou même notre avenir de toutes sortes de façons. Elle peut aussi lier les continents, les gens et permettre de découvrir de nouveaux horizons musicaux. Laissez-moi vous raconter comment une maison de disques brésilienne distribue maintenant la musique d’un groupe japonais. Le groupe se nomme NEO ATLANTIS et nous ne pouvons pas dire qu’il s’agit d’un tout nouvel album puisqu’à l’origine, il est paru en 2023.

Reprenons depuis le début. En 2018, ma passion de la musique et du rock progressif brésilien m’a permis de rencontrer, virtuellement, et d’échanger, abondamment, avec GUSTAVO PAIVA, le fondateur de Masque Records (TEMPUS FUGIT, VITRAL, SLEEPWALKER SUN, INDEX, etc.). Il est le genre de passionné à chercher sur You Tube un concert du groupe japonais PAGEANT, vous savez « La mosaïque de la rêverie », et en dénicher un de NEO ATLANTIS. Il veut alors pousser la recherche plus loin mais ne trouve aucun contact et tout est en japonais. Il communique avec un copain du Japon qui lui donne les coordonnées de HIROMITSU KANEKO, le batteur et leader du groupe. Tout ce qui existe du groupe est un album éponyme inconnu hors des frontières. Il lui propose donc de travailler sur une nouvelle pochette, de traduire les textes de celle-ci en anglais et d’assurer une distribution à l’extérieur du pays du Soleil Levant. Puis, il me contacte pour savoir si Profilprog et Serge sont intéressés par une chronique. Oh que oui !

NEO ATLANTIS est composé de cinq musiciens. En plus du fondateur et batteur HIROMITSU KANEKO, on retrouve le bassiste KATSUNORI HAMADA qui complète la section rythmique. Les autres cordes sont celles du guitariste KAZUYA "LESLIE" OKUMURA. Pour atteindre la profondeur sonore souhaitée, il a recruté deux claviéristes qui contribuent à créer un son véritablement symphonique et dramatique. Ce sont AYAKO ASANO et MAKOTO SHIRAKAWA. MEGUMI YAMAUCHI est un un invité que l’on retrouve au piano sur trois morceaux. Il était un des claviéristes des débuts. À l’instar de nombreux artistes, la pandémie a stoppé l’élan initial du groupe et provoqué ce changement ainsi que le délai entre la création du groupe et la parution de l’album. Il s’agit d’une œuvre instrumentale mais néanmoins conceptuelle sur le prix de la survie et la menace de disparition de l’humanité. L’action se déroule dans un lointain futur après une série de fléaux qui menace les humains d’extinction ; guerre nucléaire, destruction de l’environnement et manipulation génétique. La musique et les textes traduits de la pochette permettent de comprendre et suivre le combat désespéré de l’équipage du Neo Atlantis, le navire des derniers espoirs.

Un périple en mer dans de telles conditions demande un capitaine et un second sur lesquels se fondent les assises du voyage. Messieurs KANEKO et HAMADA constituent une puissante et versatile section rythmique qui donne le ton à l’ensemble de l’œuvre. Lors des multiples écoutes qui alimentent et guident une chronique, je prends des notes pour chaque morceau. J’inscris les interventions solos des musiciens et les performances qui éveillent mon intérêt ou suscitent mon enthousiasme. Je dois avouer que ces messieurs reviennent souvent dans mes notes NEO ATLANTIS. La qualité de l’enregistrement permet de bien distinguer et suivre les musiciens en écoutant l’album. D’emblée, « Sailing ship across the sea » permet d’entendre et ressentir l’importance de ce voyage. Que ce soit le départ un peu solennel du début, la mer qui est calme un moment ou plus dangereuse comme nous le laisse entendre certains riffs de guitare de KAZUYA OKUMURA.

On comprend que « Empty-hearted battle » est un morceau plus énergique, plus rock dira-t-on. La rythmique est puissante, l’orgue bien appuyé et épaulé d’un solo de synthétiseur à l’avenant. Il est intéressant d’entendre une guitare mélodieuse appeler un court apaisement où le piano s’offre à nous dans sa beauté. Le duo dynamique remonte les enjeux avec une basse vraiment excellente. « Pride of warriors » continue dans une veine de force avec un orgue en puissance et une rythmique à l’avenant. La guitare prend la relève avec une batterie et une basse sur le mode rapide. La section où le synthétiseur se déchaine sur un rythme saccadé est assez jouissive, merci. Comme il se doit, le morceau accueille un solo de guitare vigoureux. À ce moment de l’odyssée, je vous précise que les membres de l’équipage savent y faire sur leurs instruments. Les amateurs de prog connaissent la maestria des musiciens japonais. Ceux-ci ne font pas exception. « Empty attack on the homeland » offre d’excellents moments au piano et, encore une fois, à la guitare. Le morceau est relativement court mais les changements abondent avec un petit clin d’œil classique à peu près à mi-chemin.

L’expédition est à moitié complétée lorsque nous abordons une étrange île. Sur « Strange island », la nature est généreuse et regorge de beauté. Mais dans ce monde troublé la sérénité n’est pas possible semble-t-il. Les navigateurs découvrent des cavernes où sévissent de sombres dangers. Les instrumentistes nous font vivre ces diverses sensations. Que ce soit par une rythmique syncopée ou un synthétiseur en folie par sa sonorité, en général, et en solo, notamment. L’harmonie musicale revient et nos aventuriers reprennent leur recherche. « Bermuda triangle » est un puissant morceau. Ça tombe bien, c’est un des plus longs. Les premiers moments éveillent des souvenirs de KING CRIMSON, époque « Lark’s tongues in aspic ». Mais la basse apporte un souffle changeant et la musique acquiert des aspects un peu étranges, différents et ensuite beaux, entre autres avec un solo de guitare fort mélodique. Le ton change, le navire est probablement perdu dans ce lieu de tous les risques. Cette fois, c’est la batterie du capitaine qui redonne la poussée nécessaire au navire. Le tempo est rapide, la guitare est superbe. Mais le mystère est profond et le tempo se fige presque. Cette fois, il y a des sonorités qui rappellent « Echoes » de PINK FLOYD. Après ce qui semble une explosion, les puissants riffs du début reviennent pour terminer le morceau et sauver l’équipage. « Forgotten forest » est le l’aboutissement du voyage. Cependant, le piano et la guitare sur un tempo lent offrent l’image d’une île triste et abandonnée. L’itinéraire musical nous fait découvrir une ville envahie par la forêt. La population s’est vaillamment défendue mais même les survivants ont fini par perdre la volonté de vivre. Pendant près de dix minutes, l’équipage de NEO ATLANTIS nous fait vivre ces émotions grâce à leurs talents. Encore une fois, on remarque la rythmique mais aussi le piano qui insuffle une puissante impression de nostalgie, de perte. Les notes de guitare viennent toucher nos cordes sensibles et la conclusion de l’album est superbe.

Quel beau voyage que NEO ATLANTIS m’a offert. J’espère sincèrement que le capitaine et les membres de l’équipage préparent un nouveau périple. Alors, hardis moussaillons prog, vous êtes chaleureusement invités à monter à bord. Soyez à l’écoute et vous aussi bénéficierez de cette bien belle odyssée. Merci Gustavo pour la découverte et félicitations au capitaine KANEKO et au fabuleux équipage.