"Solstein" est le projet conjoint du multi instrumentiste Norvégien JACOB HOLM LUPO (WHITE WILLOW, THE OPIUM CARTEL, DONNER) et le batteur KEITH CARLOCK (STEELY DAN, TOTO, JOHN LEGEND, STING) lorsqu'ils ont collaboré avec le guitariste GEORG WADENIUS sur un morceau pour le projet DONNER de HOLM LUPO. La collaboration entre le duo a si bien fonctionné qu'ils ont décidé de se réunir à nouveau pour un album entier. CARLOCK et HOLM LUPO sont rejoints par le guitariste STIAN LARSEN et les claviéristes BRYNJAR DAMBO (WHITE WILLOW) et BILL BRESSLER. Le combo développe tout au long des huit titres un jazz-rock fusion, oscillant de temps à autres vers des motifs funky mélodique ou vers un rock progressif sous sa forme Canterburienne, lié sans doute à l'ossature des instrumentistes. Voilà en résumé, la teneur du topique élaboré par le label. Voyons maintenant de quoi il en résulte?

On assiste à l'ouverture du répertoire en l'occurrence, "Intersection" à un petit florilège de HOLM-LUPO. Il distille parcimonieusement des arpèges addictifs, récurrents à la basse. Perceptibles, audibles, jusqu'aux moments où les phases des claviers rehaussent l'ambiance jazz fusion. Dans cet entrelac de strophes au synthé et piano, émerge à mon ouïe quelques mesures, certes, aussi éphémères soient-elles! Elles font néanmoins écho à mes souvenirs auditifs. Cela me rappelle le quartet de CHICK COREA de "The Return to Forever" La performance en particulier de KEITH CARLOCK à la batterie et les envolées virevoltantes à la guitare de STIAN LARSEN participent à cet imaginaire, ne fût-ce que fugace cela démontre la qualité des membres et le groove qui s'y dégage.

Toutefois, la créativité n'est pas en reste, en plus des compositions d'inspirations fusion/ funk. Ils se sont permis de restructurer, retranscrire un morceau tel que "Oriental Folk Song", qui n'est d'autre que la création née dans les années soixante du célèbre saxophoniste de jazz américain Wayne Shorter. Remixé par HOLM-LUPO, ils offrent des grooves et des performances instrumentales de qualité, ponctuées de passages funky qui donnent envie de bouger. Le solo de synthé de BILL BRESSLER fait entrer ce titre dans une nouvelle ère.

Quant à "Southwester", la guitare est plus en retrait toutefois cela n'empêche pas quelques incartades de bon aloi à la six cordes dans ce paysage prédominé par les salves de claviers qui occupent le devant de la scène. Les ambiances sont variées, laissant tout à chacun l'espace nécessaire d'y déployer ses ailes, aux rythmes des saccades de KEITH CARLOCK derrière ses fûts. Séparé par "Siriusly" une composition aux antipodes des atmosphères nébuleuses de "The Night Owl" et "February 9th". Je fus surprise par ce contraste de couleurs, cette juxtaposition, peut-être un intermède ? Qui, soit dit en passant, pourrait très bien être utilisé pour un générique d'une série TV. Quoiqu'il en soit, la proximité sonore des deux titres cités ci-dessus, m'interroge. Cela aurait pu s'appeler partie une et partie deux.

Dès lors, je cherche à comprendre les raisons de ce choix, de cette singularité. Certes, je ne connais pas les projets solos de HOLM LUPO? Pourtant, au gré de mes recherches sur le combo, ils n'émettent, de quelconques orientations, où une particularité spécifique de la structure, où de l'orchestration qui caractérisent leurs similitudes, le clair-obscur vis-à-vis des autres pièces, m'interpelle. Musicalement, la distribution à fait un choix minimaliste. Énigmatique par ses effets sonores, elles laissent la part belle aux claviers. En témoignent les séquences amblent, post-rock, au présage augural d'un paysage au décor lugubre, fantasmagorique, postapocalyptique. Cela n'empêche d'être bien ficelé. J'en reviens à "Siriusly", quelques mots à propos de ce morceau dédié au voyage, ces motifs disparates, ses sections jazz fusion funk, agrémentée d'intermittence reggae au détour d'un solo de guitare. Une mélodie haute en couleur et à fortiori agréable à écouter.

Après une première moitié mi-figue mi-raisin je ne pouvais pas passer sous silence les deux dernières plages, qui par ailleurs sont les arrangements les plus aboutis et les plus mélodieux. L'auditeur pourra déguster d'une traite les deux dernières pièces que sont: "The creeper" et "Hamada" quant à la première, elle dévoile ses influences à Herbie Hancock. Les nuances harmoniques annoncent un voyage musical qui se pare d'une démarche progressiste aux abords de "Hamada". Ils optent pour une combinaison de jazz rock fusion funk progressif. Agrémentée par le talent de chaque intervenant, le groove s'émancipe. Des enchaînements à la guitare virevolte. Les rythmes percutants de KEITH CARLOCK à la batterie participent à une mélodie envoûtante. Au gré des fluctuations, les claviers revêtent parcimonieusement les couleurs de Canterbury dans une symbiose harmonieuse des plus captivantes. "Hamada" conclut merveilleusement le projet "Solstein" aux couleurs contrastées et saisissantes à mi-parcours. Cependant, le quartet nous offre une écoute accessible, maîtrisant son sujet et au demeurant un projet plutôt réussi et créatif.