Le début de L’album est une vue artistique sur l’histoire des frère HENGIST et HORSA, généralement présentés comme étant originaires du Jutland au Danemark et artisans de la fondation du royaume de Kent au Sud-Est de l’Angleterre. Depuis le Vème siècle de nombreuses légendes se sont formées autour de HENGIST (Hengest ; étalon dans la langue anglo-saxonne) qui aurait pu être le surnom d’un officier et HORSA (Horse est resté le nom du cheval) nom presque synonyme. Rik présente son récit sous forme de trilogie et n’hésite pas à utiliser la licence poétique. Belle entrée en matière.

« Dark Matter », un instrumental riche en rebondissement, suit et offre une césure bien placée. Les échanges guitare/clavier sont réjouissants. « Nature’s Eyes » est une métaphore qui donne à la nature la possibilité de s’exprimer sur la pression humaine qui affecte son intégrité ainsi que l’humanité. Pièce calme très organique. A partir d’une réflexion sur le livre (1962) de Rachael CARSON ; « Silent Spring » nous avertit que notre pollution continuelle du monde pourrait conduire à la décimation des espèces d'oiseaux sans parler des résultats négatifs pour l'humanité. Joli morceau bucolique qui met les claviers et le chant de Rik en avant. « Death Of Major Tom ». Au fil des ans, Richard a écrit plusieurs chansons sur la manière dont les événements se propagent et affectent la famille, les amis et les étrangers. Souvent du point de vue d'une personne affectée ; la femme ou l'amant. Dans ce cas précis, Rik s’est demandé comment l’épouse du Major Tom avait fait face à sa disparition. Comment les médias ont-ils réagi ? Qu'en est-il des implications juridiques ou d'assurance ? Et puis : comment est-il décédé ? L’est-il ? La discussion est ouverte... Musicalement, Rik voulait un riff inhabituel et une dissonance accrocheuse. Enfin dans le mix ont été injectés quelques éléments de 2001, et d'autres références de science-fiction… Ayant visionné une vidéo de sa petite-fille ; Willow, pleurant durant le lockdown, il a deviné que sa voix couronnerait bien le tout.

« West Coast Journeyman » est un spin-off d’une collaboration avec Elliott BRISTOW sur son magnum opus de Channel 4 qui est "Road Dreams". Elliott ne voulait délibérément pas de musique qui singeait les sons de l'époque (années 60 et 70) et il aime la simplicité des lignes de basse répétitives. Richard a simulé un nouveau matériau pour convenir en imaginant Elliott en croisière sur la côte ouest de la Californie avec une bande-son à la Pat METHENY ; une mélodie sur le thème des rêves. Nick FLETCHER est un guitariste rare dans la mesure où il peut jouer presque tous les genres de manière convaincante, même avec une guitare classique à cordes en nylon de haute qualité. Cool Jazz classieux. « With A Glance » s’inspire de la première fois où Rik a posé les yeux sur la jeune fille qui allait devenir son épouse, et l'est toujours. Il avait 12 ans. Liaison à 16 ans, mariage à 25, bonheur. Une pièce intimiste, chaude, douce…

« Song For Jude » est dédié à l’épouse et âme sœur. Suite de cette parenthèse familiale optimiste. « Tully Remembered » est un hommage jazzé au regretté Colin TULLY. Il manque beaucoup à Rik qui a fréquenté Colin que peu de temps mais il en a été marqué en tant que musicien mais surtout en tant que personne. La vie Peut-être si cruelle. Richard a pris quelques leçons de piano avec lui…Chris EGAN (sax) qui drive le morceau était dans le fabuleux quatuor de jazz, NUADHA avec Colin. « Queens Gambit » Alors que les mariages d'amis s’effondraient, Rik a observé les manœuvres, les positionnements, les manipulations et l'effet se propager affectant les alliances, les amitiés et la dynamique de groupe. Cela ressemblait à une partie d’échec ; comploter, protéger, attaquer, défendre, s'interroger sur l'impact sur l'avenir de sa vie sociale et financière. Les relations et la politique peuvent ressembler à une partie d'échecs. Quelles pièces sacrifieriez-vous ? Belle pièce parfaitement orchestrée avec des claviers bien présents et le chant placé en avant dans le mix.

« Entropy I » a été écrit durant le verrouillage Covid. Il semblait que tout s'effondrait. Est-ce qu'un monde meilleur est possible s’est-il demandé. Le confinement a permis de dégager beaucoup de temps pour se détendre, jardiner, composer. Etant retraité il était anxieux pour ses proches. Il craignait vraiment qu'il n'y ait pas assez de nourriture, ce qui entraînerait des émeutes et peut-être une guerre civile. Cela reste une menace si la race humaine n'apprend pas à consommer moins. Ambiance méditative et arrangements simples pour ce morceau philosophiquement et socialement important. « Entropy II » La société s'effondre-t-elle ? Est-ce qu'elle obéit à une loi naturelle ? Existe-t-il un véritable risque existentiel pour notre espèce ? Dans un délai court ou moyen ? Est-ce que ça a commencé ? Chaque génération le ressent sûrement. Musicalement, Richard a cherché à confondre l'auditeur et lui-même ! Sur une piste de batterie en 5/4 il joue principalement en 4/4 par-dessus, l’effet est intéressant et la fin brutale interpelle. Après les deux précédentes plages, il n’était pas envisageable de terminer le disque autrement que par une note optimiste. Tom DYMOND est un aventurier navigateur qui a fait le tour du monde en trois ans. « Teeds Lullaby » a été composé pour lui, avec des effets aquatiques lénifiants.

Musicalement, Rik LOVERIDGE se démarque de la formation KENTISH SPIRES qu’il a quittée. Atteint de la maladie de Parkinson, il s’est lancé dans ce projet en assumant plusieurs postes et fouillant dans son esprit pour y trouver les inspirations diverses de cet album. Il n’est pas exagéré de dire que c’est riche, varié, humain et intelligent. Spécialiste des claviers et du travail en studio, il a effectué un nombre impressionnant d’arrangements et d’orchestrations pour donner à chaque morceau une identité propre. On retrouve, dans ces 15 pièces de l’Art Rock, de la Pop classieuse, de l’école de Canterbury, du Rock Progressif typé 70s et un œil braqué sur le Jazz. L’auditeur ressent tout le cœur que Richard a mis dans ce disque, la passion qui l’anime, le souci du détail, le choix des artistes invités et la qualité de leurs interventions. Tout vient à point nommé, pas de surcharge, la production est claire et aérée, laissant beaucoup d’espaces aux instruments et aux voix.

Nous sommes en présence d’un très bel album, équilibré, fluide, atmosphérique, romantique, pastoral, empli de paysages sonores mouvants.