Il arrive qu’un titre d’album exige un minimum d’éclaircissements. C’est le cas de « Quadrivium » qui était, dans la Grèce antique, les quatre sciences « sœurs » : mathématiques : Arithmétique, Géométrie, Astronomie, Musique. Musique ? Oui. Platon faisait un rapprochement entre ces sciences, notamment entre l’Astronomie et la Musique, ou, plus exactement l’Harmonique ; l’une pour les yeux, l’autre pour l’ouïe. Une précision nécessaire.

Nick FLETCHER est, lui, quelqu’un d’assez discret. Ses capacités musicales considérables (professionnel depuis 1981, diplômé du Music College en tant que guitariste classique et enseignant) en font un session-man apprécié et recherché. C’est ainsi qu’il a brillé dans des collaborations avec Dave BAINBRIDGE, Tim HARRIES (ancien bassiste de BILL BRUFORD’S EARTWORK), John HACKETT dont le frère, Steve, dit de lui qu’il est « le meilleur guitariste de Jazz-Rock du Royaume-Uni à l’heure actuelle. Je le considère comme une star absolue ».

Délaissant l’instrument électrique (25 ans), il a produit plus de 80 compositions et 100 arrangements de six cordes acoustique !

Ses premiers albums solos à la guitare amplifiée ; « Cycles Of Behaviour » (2021) et « The Could Of Unknowing » (2022) n’ont pas eu, de notre côté de la Manche, l’impact qu’ils méritaient amplement. C’est le moment de mettre en lumière cette production avec le dernier paru en date. L’album et les 11 titres qu’il contient et qui font – inévitablement – référence aux trois autres sciences, doit être écouté dans son entièreté, comme une suite logique : prélude, ouverture, scènes entrecoupées d’interludes et dénouement. L’équipe qui l’épaule, avec une redoutable efficacité et un feeling hors norme, est détaillée dans les crédits.

L’entrée en matière, aguicheuse, met en place le processus de préparation au voyage.
Le décollage est rendu, plus vrai que nature, via un Rock puissant, très soutenu par la batterie véloce et la guitare alerte. Un morceau plus appuyé rythmiquement, plutôt groovy, jazzy, emporte le pèlerin prestement à travers les cieux, de la troposphère à l’exosphère.

L’espace. Le calme. Le détachement. Une jolie sérénade accompagnée de l’Angel Vibe Guitar.
Pour « The Fifth Parralel (scene 2) » le motif et délicat puis amplifié. De la Fusion comme il n’y en a plus guère. Plus détaché, cool, « Aphelion » nous rappelle qu’il n’est pas très prudent d’approcher trop le soleil. Cette position distale est bien confortable. Space-Rock, économie de moyen, ce « Ziggurat Of Dream », le second, est totalement immersif et mystérieux. La scène 4 prolonge le plaisir. Virtuosité, musicalité, thème bien exploité. La conscience se modifie, les notes flottantes sont accompagnées de percussions orientalisantes. « Vanarasi » (Bénarès en français) développe les sonorités extrêmes orientales. Nous ne sommes pas loin des ragas indiens. Mais quel dépaysement ! Le morceau est labyrinthique, captivant, flamboyant, somptueux.

En suspension, détaché de tout et de tous, le nomade est bercé par de douces mélodies éthérées. Il lui faut espérer pouvoir rester assis, sans perdre l’équilibre, sur la margelle du temps… « Quadrivium » est un véhicule ensorcelant qui transporte l’écoutant dans un ailleurs lointain, inconnu et merveilleux. Cette musique génère un flot d’images mentales qui emplissent de félicité. Nick et ses quatre compagnons réalisent ici un très grand album instrumental classieux, élégant, sensible et virtuose.