Il aura fallu sept longues années – depuis « Scambot 2 » (2016) - avant que l’inénarrable Mike KENEALLY ne nous offre un nouvel album rempli de belle musique et de chansons aux paroles toujours aussi amusantes, pour le moins. Les raisons en sont très simples ; une partie du nouveau matériel était prêt avant le lockdown Covid, l’autre a été mise au point durant ces années de blocage, et le tout finalisé en 2022.

A nouveau, se moquant des étiquettes, mélangeant les styles, faisant preuve de créativité et d’originalité (mais cela nous le savions) l’artiste boucle cette nouvelle offrande discographique en 42 minutes pour 9 compositions de son cru. Il assure un maximum de rôles : compositeur, écrivain, chanteur, guitariste, claviériste, bassiste mais sait s’entourer, la pléthore de talents repris dans les crédits ci-dessous en atteste. Son passage dans l’éclosoir de Frank ZAPPA a laissé des traces. Notre homme absorbe tout ce qu’il entend, sans la moindre limite, le triture, le broie, le passe à la moulinette et en ressort des constructions allant du simple duo voix-instruments « logos » et « Both Sides Of The Street », au big band « Ack » tout en conservant l’esprit d’un album solo. C’est que Mike est loin d’être un simple amateur touche-à-tout mais bien un artiste complet, doué, inspiré.

Chroniquer, ou – à tout le moins essayer -, ce ‘’The Think That Knowledge Can’t Eat” n’est pas une tâche facile. Pourtant, plus court, moins dense que ces autres productions, ce disque est très abordable. Oui mais, Parce qu’il y a un mais de taille : rien n’est jamais réellement simple chez lui. Prenons « Celery », par exemple : un gros riff d’introduction lance la machine infernale avec un appui efficace de Pete GRIFFIN qui manie sa basse avec conviction, lui-même épaule par Nick D’VIRGILIO qui martèle en rythmes complexes. Le tout est boosté par un solo démentiel de Steve VAI (tiens, il est aussi passé chez Franky lui !) sur des signatures déroutantes. Magnifique exemple de fusion incandescente. Autre exemple de réussite en ne cherchant pas la facilité : « Ack » est une pièce qui remonte à 2003, captée en compagnie de METROPOL ORKEST aux Pays-Bas. Les solos héroïques à la guitare et au violon font que cette plage orchestrale aurait trouvé sa place dans les plus connus des albums de F.Z.

Même quelque chose de simple, EN APPARENCE, comme la ballade « Mercury In Second Grade » est rempli de trouvailles à la guitare acoustique, parfois slide, tandis que les paroles se moquent des propos tenus en ligne. Le délirant « Lana » nous ramène fin 60/début 70 avec ses parties chantées qui passent à l’envers tandis que l’accompagnement nage la brasse dans un océan psychédélique. Terminons ce bref survol par la pièce de résistance (7’30’’), le bien nommé « The Carousel Of Progress ». Après un début simple, accessible, la chose tourne à l’imprévu et s’éloigne totalement de la trame introductive. Les instrumentistes se lâchent complètement, les lignes s’éloignent, se croisent, tout devient sinueux, tortueux, surréaliste. Le chant est au diapason, enfin façon de parler. Il s’agit de la survie aux restrictions lors de la période « Covid Dure ». On pourrait penser que notre maître d’œuvre n’en est pas sorti intact ! Puis les choses se calment, retrouvent une direction plus nette, reviennent à la ligne mélodique introductive. Génial !

Mike KENEALLY, même assagi, reste un farceur de premier ordre, un virtuose et un créateur intarissable. Sachant s’entourer, les amis musiciens sélectionnés – des pointures - pour ce ‘’The Think That Knowledge Can’t Eat” enrichissent l’ensemble avec brio.