Nommer la plage introductive « Il Gran Finale » démontre que l’on peut être musicien, italien, créer et jouer du Rock Progressif influencé par l’école de Canterbury et avoir le sens de l’humour. C’est ce que démontre les palermitains d’HOMUNCULUS RES. Leur nom vient du personnage d’une série de films muets allemands réalisés pat Otto RIPPERT. Il s’agit d’un horrible dictateur destructeur. Les références au cinéma, à la littérature, à la philosophie, et j’en passe, sont habilement utilisées/détournées avec une dérision et une gouaille réjouissante. Le groupe aime jouer avec les codes, en détourner certains, tout en restant dans une certaine orthodoxie musicale, une codification plus rigoureuse qu’il n’y paraît au premier abord, offrant ainsi un unicum de leur cru.

« Ecco l'impero dei doppi sensi » (voici l’empire des doubles sens) indique clairement que les jeux intellectuels ne sont pas absents de ce 5ème effort discographique du quintet. Rassemblant leurs forces et leurs acquis, ils nous offrent une sorte de synthèse de ce qui a précédé, brassant – avec une diabolique habileté consommée – des influences de l’école de Canterbury avec du jazz, une joyeuse pop typée 60s, du folk, de l’avant-garde, une légèreté psychédélique, du rock progressif italien mêlé à des sonorités anglaises. Un mélange qui pourrait, en première lecture, paraître lourd ou indigeste. Au contraire, tout cela coule fond, se lie et apporte cette saveur rare comme celle de l’umami. Les Italiens sont fins cuisiniers, c’est (re)connu ! C’en est au point où il est bien malaisé de nommer une plage en particulier tant l’ensemble est égal en sapidité. L’équilibre, parfois précaire, entre les métriques inhabituelles, les pièces à tiroirs, syncopes, arrangements complexes, rebondissements surprenants et une accessibilité quasi immédiate, une séduction irrésistible, une appétence que satisfait leurs compositions qui oscillent entre étrangeté, conte féérique, mélancolie et joie. Ajoutons la dérision de « Quintessenza La La La », le clin d’œil (aux BEACH BOYS) en intro de « Il bello e il cattivo tempo », l’hommage jazzy de « Viaggio astrale di una polpetta », le capricant « Fine del mondo » (mais non, ils blaguent) irrésistiblement drôle, le très poppy et psyché « Fiume dell'oblio » et, pour en terminer sans énumérer toutes les pièces, le conclusif « Doppi sensi » (10 minutes) très expérimental, fantaisiste, en constante évolution, étrange (ces voix en arrière-plan) avec une fin bruitiste.

En guise de conclusion, je dirai que ‘’Ecco l'impero dei doppi sensi’’ rassemble toutes les saveurs que nous affectionnons, y compris la cinquième, l’umami (d’origine asiatique) qui se reconnaît aux six sensations quelle procure : langue enveloppée, bouche pleine, persistance, goût équilibré, salivation et complexité. En effet, la première écoute entraîne, irrémédiablement d’autres. C’est délicieusement addictif.

Soulignons, enfin, la présence de 15 musiciens invités (avec une armada d’instruments, dont de nombreux rares) qui apportent un relief inouï au travail de notre quintet. L’artwork de Dario D’Alessandro mérite également notre admiration.