Le pianiste virtuose Russe GLEB KOLYADIN forme avec sa consœur MARJANA SEMKINA le duo IAMTHEMORNING. En 2016, après la sortie de la troisième production, ils firent sensation en obtenant le Progressive Music Awards du meilleur album de l’année avec "Lighthouse". Originaire de Saint-Pétersbourg, GLEB a étudié le piano classique au Conservatoire sous la direction du professeur Vladimir Polyakov ; il en sortira par ailleurs diplômé. MARJANA, quant à elle, est autodidacte, dotée d'une voix de soprano, elle deviendra la coautrice et tiendra le micro par ses qualités vocales au sein du groupe. De cette union naîtra une musique qui s'apparente à une architecture mêlant subtilement le progressive pop-rock, parfois orné de folk, au groove jazzy, coloré par des phases de romantisme symphonique. En 2018, il publie GLEB KOLYADIN son premier opus éponyme entouré d'une myriade d'artistes prestigieux, dont la plupart viennent du Label Kscope. De notoriété naissante, ainsi qu'une visibilité réduite, la presse spécialisée l'a plutôt bien accueilli.

Quant à moi, je pense plutôt au chef d'œuvre. Il démontre tout au long de l'album, ses multiples talents que ce soit de mélodiste ou de compositeur. Instrumentiste doué apparenté de surcroît à l'élégance de l’artiste féminin "HIROMI UEHARA". Le masculin serait désormais l'accord avec GLEB KOLYADIN ! Cette aisance qu'ils ont de changer de palette de couleurs, bon gré, mal gré, passant du classique au jazz rock fusion sans effort notable, en font des artistes de même acabit aux prestations similaires.

En 2021, il sort "Water Movements", le second album, celui-ci est hors label Kscope, apparemment pour financer "The Outland". L'album est enregistré à Moscou. Ce sont des esquisses d'inspirations classiques. On y retrouve des réminiscences évoquant entre autres des compositeurs comme : Poulenc, Debussy, Ravel. Cela dit, par moment, son jeu lors des mouvements lents, la note respire jusqu'à son terme. Son détachement entre chaque note, me fait penser aux Gnossiennes et Gymnopédies d'Erik Satie. Cette description sommaire de la production discographique de GLEB KOLYADIN n'en est pas moins exhaustive. Cela étant, il serait opportun de débuter la chronique du tout nouvel album "The Outland" sortie le 21 juillet sous le Label Kscope en format CD (En nov. 2022 l’album était sorti en format digital). Comme de bien entendu, je suis là pour vous parler du dernier projet de Gleb ! Je disais donc, la moitié masculine de IAMTHEMORNING sur cette troisième galette, nous propose au menu : 6 morceaux étalés sur 41 mn, titré "The Outland".

Les saveurs sont variées ; du jazz rock fusion au rock progressif, du classique orné de motifs cinématographiques. Bref, ça sent bon ! Sa texture, son ossature sont axées autour du piano. Le pianiste virtuose a su s'entourer d'artistes de grande qualité comme Gavin Harrison à la batterie (PORCUPINE TREE et KING CRIMSON) déjà présent sur l'album précédent, et le retour du guitariste Vlad Avy. Auquel viennent s'ajouter une quinzaine d'artistes aux instruments divers (Line UP). Contrairement au précédent, il sera dans sa quasi-totalité instrumental, nonobstant le chœur du "Collegium Cantus Choir" qui apparaît sur "Voyager" et "Hermitage". Maintenant que les présentations sont faites, passons à la dégustation. Cela démarre sous les chapeaux de roues, un tempo soutenu du trio, piano, flûte traversière, batterie, précède le court répit de sérénité lorsque le piano instaure le jazz. Cela sera de courte durée, crescendo, un groove intense se développe avec la guitare que je qualifierais de jazz rock fusion. Puis, le motif sonore sous l'impulsion des claviers, des cordes du "String ensemble" progresse vers un prog symphonique. Sur une variation d’accords percutants, le trio de virtuoses fige l'auditoire avec un leitmotiv enivrant dans un rythme effréné où la flûte apparaît aérienne, comme suspendue, toise du haut de ses accords le duo. En arrière-plan, les cordes du "String ensemble" colore une atmosphère cinématographique. Or, à l'avant va naître une dualité de virtuosité entre Eliza, Gleb et Gavin. S'invitent à se défier, les riffs acérés de la guitare de Vlad et le chœur du « Collegium Cantus Choir », pour un final haut en couleur. De surcroît "Ascension" reste un moment fort de l'album, le ton est donné dès l’intro, Gleb entame au piano des riffs chaleureux, aériens, enivrants de toutes beautés en symbiose avec Gavin sur un tempo proche de la bossa nova. Une thématique répétitive qui sied à votre ouïe par des motifs sonores disparates. Chemin faisant, au gré des lignes de jazz, de rock, parfois ethniques, voilà qu'il s'incruste le temps de ravir notre appareil auditif en territoire klezmer au son du Bodhran. Toujours dans le même climat, Ilya en vedette nous gratifie d'un solo à la clarinette de haute volée qui clôturera le morceau.

Pour autant, "Cascades" propose également une facette sonore de son jardin personnel. La genèse de sa formation musicale, où la prose du protagoniste du combo s'exprime auprès de son instrument de prédilection. Mélodieuse, élégante, rafraîchissante, durant environ cinq bonnes minutes, le maître des lieux, place au centre de l'opus, une sonate pour piano. Seul, il s'approprie Chopin et Liszt dans ce morceau en cascade perpétuelle. Il monte et descend le long des touches, avec la virtuosité, dont il est coutumier. Crescendo puis pianissimo la note respire au terme de la mélodie. L’introduction protoromantique dans "Mercurial" introduite au piano à la singularité Beethovénienne dispose d'un jazz rock fusion bien enlevé. Puis, ces thématiques répétitives marquent de leurs empreintes la mélodie par des vagues rythmiques de riffs ; au piano, à la guitare, puis du duo piano contrebasse, du vibraphone. Cette Symbiose d'eurythmie aux saccades des frappes sèches derrière les fûts, s'accompagne en fond sonore d'un éphémère passage du "Strings Ensemble".

Puis apparaît, "Appartus". Gleb de la main gauche avec des accords tonitruants en compagnie de Gavin délivrent un groove effréné. A contrario se réverbère dans une atmosphère des lignes de basse inquiétante prenant un format heavy.

Le protagoniste de "The Outland" conclut cet opus par "Hermitage" une mélodie accrocheuse et envoûtante. Cela débute ainsi : Pianissimo, Gleb caresse quelques accords néoclassiques dont il a le secret. Puis, crescendo, la mélodie au demeurant hésitante s'illumine, se sophistique, parcimonieusement, jaillissant des riffs de toutes beautés. Comme un leitmotiv entêtant dont on arrive plus à s'en défaire. Gavin quant à lui, s'émancipe progressivement en gardien du tempo au côté des percussionnistes avant que les cordes et les vents prennent une ampleur quasi symphonique. Tandis que le chœur apporte une richesse textuelle saisissante contrasté par des chorus à six cordes qui clôt la pièce.

Ce projet auquel nous convie Gleb, est un véritable breuvage, un délice d'énergie de fusion, aux multiples facettes de sa palette sonore. Il nous amène dans un voyage stylistique à la croisée des Influences. L'entrelacement des genres est parfois confondu, au-delà de sa complexité à cerner. Sa musique au sortir du creuset s'en sortira affranchie. Et d'autant plus accessible.