C’est toujours un bonheur de découvrir un nouvel album du néerlandais Eddie MULDER, car la présence de ce guitariste d’exception est gage de qualité et de finesse sur les cordes, donnant droit à un passeport pour un voyage mélodieux et riche en découverte. Il a nommé son nouvel Opus « Pour le Centre » indiquant sa volonté de nous montrer, sans paroles, la voie vers le centre de nos pensées, de notre âme et de notre cœur, tout en livrant en musique ses expériences dans un style qui lui est propre, tout en s’entourant de ses habituels amis musiciens aux talents tout aussi impressionnants, dont Ton SCHERPENZEEL, le claviériste de KAYAK.

Ici, pendant ces treize morceaux, dont une chanson interprétée par le bassiste Terje CRAIG, pas de musique méchante et violente. Un rock classique, acoustique, quelques fois Prog (« Not So Easy »), parfois dynamique mais généralement, il s’exprime dans des ambiances douces et calmes, joyeuses (« Unexpected Journey ») et mélancoliques, le curseur émotionnel étant toujours en excellente position. Peut-on parler d’HACKETT des Pays Bas ? Peut-être bien, vu la dextérité manuelle affichée par cet artisan des cordes, mais l’œuvre très personnelle et humaine de MULDER, ne fait pas dans le grandiloquent comme aime bien le faire HACKETT. La simplicité, qui est un art en soi, est la règle que MULDER suit, et cela lui va bien.

Un album qui devrait plaire aux fans de CAMEL, des MOODY BLUES, de CARAVAN, et d’HACKETT évidemment. Il aligne des morceaux mélodieux et d’une sincérité désarmante, en les gardant accessibles, les faisant parfois évoluer pour devenir épiques, avec des tournures surprenantes, surtout sur les longs morceaux, où les claviers « vintage » s’en mêlent, ceux-ci se montrant plus progressifs et cinématiques. « To The Centre », dans cette catégorie, pourrait s’imaginer comme la trame sonore d’un film, la plus longue avec moins de six minutes.

Ma préférence va aux morceaux plus courts, des condensés savoureux où l’on ressent fébrilement des choses. Il y a des pièces acoustiques délicieuses et précieuses, charmantes et cristallines où il joue à fond la carte de l’émotion. Quand il est seul avec son instrument, il exprime un folklore personnel, amplifié par le frottis de son doigté sur ses cordes. On se rend vite compte qu’on fait face à une musique vivante, vibrante et d’une profonde sensibilité. Un petit mot sur la performance de Terje CRAIG dans « Fairytale ». Il s’en sort honorablement avec sa voix douce, bien assortie à l’ambiance rêveuse et fantastique, avec en toile de fond, ce qui ressemble au chant éthéré d’un grand mammifère marin.

Que penser de cet album finalement? Pour commencer la production est excellente. On a l’impression que MULDER est assied à coté de nous quand des doigts, il caresse ses cordes. La qualité sonore est surprenante et offre une excellente définition des notes des instruments. La force de cet album résulte dans la magie du transfert de la charge émotive, sans dire un mot, qu’avec des notes. Tel un charmeur de serpent, avec son instrument, en quelques pincements de cordes, il chamboule l’auditeur et l’amène là où il veut, partageant ce que ressent sa profondeur d’âme. L’âme noble d’un artisan qui maîtrise son art avec une maturité qui devrait faire pâlir d’envie plusieurs musiciens. Un compositeur hors pair aux doigts de fée qui avec cet album fait mieux que sur son excellent « Signature » de 2022. C’est vraiment un album à écouter en boucles, pour savourer les pépites offertes. Titres préférés : Tous les morceaux d’une à trois minutes sont fabuleux, mais selon mes goûts personnels, celles qui m’ont enchanté le plus sont la cristalline « Muse » et l’ensoleillée « Summer Breeze » à la surprenante intro « vintage », comme si on écoutait un vieux disque en vinyle à la radio. Bonheur! Bonne écoute !