Fondé en 1975 par Rafaello REGOLI, CORMORANO a tourné, donné un nombre incroyable de concerts mais n’a guère enregistré lors de sa première vie. Ce n’est qu’en 2000 que le collectif, sans doute remanié, a gravé « Giro Tondo (Giro) Fuori Scena » chez l’excellent label Mellow Records avec du matériel accumulé entre 1976 à 1984.

Nous les retrouvons cette année grâce à la sortie, le 15 mars, de « Obliquizioni d’Autunno…Prima Che L’Aquilone Se Ne Voli Via » (Obliquités d'automne... avant que le cerf-volant ne s'envole) cette fois sous le label Locanda Del Vento. Outre Rafaello REGOLI (chant) deux membres d’origine sont présents à l’appel (de la musique) : Antonio DONDI (batterie) et Gabriele GIOVANARDI (saxophone). Le line-up est complété par Francesco BONI (basse), Elia FILIPPINI (claviers) et Raffaele MARCHETTI (guitare). L’équipe s’est mise au travail en créant de nouvelles compositions, très typées, particulièrement intéressantes et, surtout, imprégnées de l’esprit et des sonorités de nos chères années 70. Il faut ici, avant de progresser plus avant, souligner le lien affectif et musical fort qui unissait Rafaello REGOLI et Demetrio STRATOS notamment connu pour ses albums au sein d’AREA. Une grande partie de l’inventivité, de l’audace des morceaux actuels et de la théâtralité du chant de Rafaello remontent à ces années. Malheureusement Demetrio est décédé en 1979.

Alors, cet album ? Du tout bon. Très bon. Excellent même. Piano lent, notes lourdes, ambiance plombée, orage, gémissements, récitatifs étranges, bienvenue dans la pièce inaugurale « Obliquizione » qui s’étire et interpelle. Belle manière, intelligente, de capter l’attention immédiatement. Les choses rentrent un peu dans l’ordre avec « Cormorano » plus accessible si ce n’est le chant si particulier. C’est une belle composition, structurellement simple mais bien menée et entraînante. « Nuovi Colori » enfonce le clou, évoquant la commedia dell’arte de la seconde période. Les claviers électroniques sont à la fête, ainsi que la basse qui trace des lignes sinueuses pour célébrer « 25 Aprile ». La reprise du morceau « Asia » de Francesco GUCCINI (album « L’Isola Non Travota ») est plaisante. La fusion Jazz-Rock et l’expérimentation trouvent à s’exprimer dans le très théâtral « Festa Di Settembre » qui marque clairement son territoire. Cela continue avec « Il Rock Dei Sogni » dont le titre peut prêter à confusion ; il s’agit du rocher du rêve même si la pièce est assez rythmée, toujours sur des lignes de basse qui servent de repère aux instruments lead. Plus calme, « Nei Tuoi Occhi » est assez accessible et laisse s’exprimer librement le saxophone qui vient cuivrer chaudement ce morceau. Le naturel revient au galop avec « Disarmoritmo » qui porte idéalement son nom. Mélopée étrange à plusieurs voix, percussions exotiques, mélodie changeante, c’est une des chansons les plus expérimentale. Pour clôturer, la reprise de « Pugni Chiusi », un classique de I RIBELLI où officiait Demetrio STRATOS (album éponyme de 1968). Bien retravaillée, cette plage assez sage, referme l’album avec élégance.

Le côté étrange de « Obliquizioni d’Autunno…Prima Che L’Aquilone Se Ne Voli Via » vient de l’interprétation. Les compositions, à la base, ne présentent pas de complexité particulière. En revanche ce mélange de Jazz-Rock avec des expérimentations dignes d’AREA signe l’identité sonore de CORMORANO. Leur proposition musicale si elle sonne assez 70s, n’en garde pas moins les yeux grands ouverts sur notre époque. Rien de daté ici. Que du référencé. Cet album, dense et homogène, se présente comme un petit miracle au vu de l’histoire de la formation. Bien leur en a pris de ne pas raccrocher et de nous proposer un Rock Progressif transalpin attractif et envoûtant.