Eh bien voilà une œuvre assez perturbante et audacieuse comme il s'en fait peu ! Bouleversante et énergivore pour qui osera se lancer sur les pistes surréalistes de ses deux architectes. Deux français, Frédéric GERCHAMBEAU et Bruno KARNEL, nous proposent « AMRA », au titre sanskrit qui signifie l'éternité. Une œuvre expérimentale minimaliste ne comprenant que synthés qui tournent en boucle, guitare et mandoline mais qui par moment arrive à générer un boucan digne de ce nom. Je le dis dès à présent, cela ne va pas plaire à tout le monde car les musiciens ont poussé le curseur en mode expérimentation au niveau maximum pour donner quelque chose de très difficile à classer. On navigue entre l'électronique et le folklorique de contrées lointaines.
Dans cette démarche aventureuse, des textes poétiques souvent complexes sont déclamés et chantés en français mais aussi en « quechua », la langue des péruviens, ce qui crée des atmosphères incantatoires, qui se marient aux boucles polyrythmiques des synthés dans des nuées de « blip ». Qu'elle est la chimie de cette composition à forte teneur expérimentale ? « Cérès Bus Stop », ma pièce préférée de cet album, en exhale l'essence. Sur fond minimaliste de boucles de synthés qui s’exprime comme une onde radio, la voix très agréable de KARNEL s'élance dans un spleen techno qui oblitère de son cachet une formulation contenant glyphosate, dioxine, hypnotoxines et dissolvant tout en maintenant en renfort des élans de guitares rageuses à fortes concentrations de distorsion.
Avec « Ghost », ils nous ont concocté un scénario de film d'horreur avec guitares vibrantes et synthés en polyrythmie, avec l'insertion de la mandoline qui fait un bel effet contrastant. Une musique au chaos contrôlé, à l'ambiance fantomatique et cinématique où la guitare vole la vedette malgré la prépondérance hyper saturée des synthés. Pour le reste, je vous suggère de prendre cela à petite dose, car l'ensemble tout pris d'un coup, pourrait souvent vous paraître répétitif et redondant, avec le risque de faire une sursaturation de boucles de synthés qui m'ont paru vraiment trop dominantes par moment, au point de cacher la voix du chanteur. Mais il ne faut pas louper les 16 minutes d’« Axolotl » où KARNEL prend des habits de Peter HAMMIL dans un chaos éclectique digne de COMUS, sur un texte poétique datant du 15e siècle. Bonne écoute !