C’est à partir du roman « Le manuscrit trouvé à Saragosse » (œuvre de Jan Potocki, écrivain polonais) et du long métrage du même nom de Wojciech Has (1964) qu’est venue l’inspiration du titre « Pictures From Sierra Morena », particulièrement en ce qui concerne la plage d’ouverture éponyme qui compte 7 parties pour un total de 12’48’’.

Superbe introduction instrumentale, très séduisante, pour débuter : « The Gallows pole » qui devient « The Burn In » et son narratif dramatique : « Quand je me suis enfin réveillé, le soleil me brûlait les paupières ; j'avais du mal à les ouvrir. J'ai vu le ciel. J'ai vu que j'étais dehors. Mais mes yeux étaient encore lourds de sommeil. Je n'étais ni complètement endormi, ni complètement réveillé. Des visions de tortures me traversaient l'esprit, l'une après l'autre. Horrifié, je me suis redressé en sursaut ». Les chapitres « Don Pedro’s Team » et « Sofirot » se montrent allusifs, climatiques, presque comme une B.O. de long métrage. Suit « The Honnor Of Man », fort joliment chanté, qui peut être résumé par la phrase : ‘‘On dit que l'honneur fait d'un homme un homme fier et fort. Un homme doit savoir quand dégainer l'épée. Implacable. Il suit hardiment le chemin vers son but. Il se préoccupe de son devoir, pas de ses rêves, toujours sûr de ce qui l'attend’’. Un ostinato au piano sert de guide aux autres instruments pour « Taskala’s Theme », à l’atmosphère particulièrement distincte, évocatrice. Enfin, « The Oat » voit le retour des parties chantées sur une orchestration majestueuse qui se pose un peu là.

« Sea » aurait bien des difficultés à cacher son sujet. Des marins prennent la mer pour une destination inconnue mais forcément exotique, avec diverses merveilles à la clé. C’est assez roboratif et joyeusement joué sur un tempo soutenu. Il en va de même pour « Wrath ». Les mensonges, manipulations et autre vils procédés de « Ceux qui sont au pouvoir vous veulent faibles. Ceux qui sont au-dessus de vous veulent vous agenouiller, vous donnent l'impression d'être seuls ». La cruauté, la désignation d’un ennemi, la zizanie sont également évoqués. Plusieurs mélodies, des crescendos, des variations inattendues, nous tiennent en haleine. C’est haletant jusqu’à la fin brutale. L’amour, présenté dans un tel écrin, est merveilleux. Guitare acoustique douce, voix chaude, climat printanier, champêtre. Ce poème à la femme idéale, créature fantasmée, éperdument aimée, est superbement écrit et merveilleusement interprété. Moins joyeux, des thèmes comme la trahison, la solitude, le froid intérieur, et puis ce chemin plein de mystère tout droit sorti d’Alice au pays des merveilles. Beaucoup de délicatesse, une ambiance énigmatique, « By The Barrow » la joue tout en finesse, avec des variations bien amenées et un magnifique final en decrescendo orchestral. Du grand art.

On ne présente plus THE ADEKAEM. Ce collectif n’essaye pas d’en imposer, de jeter de la poudre aux yeux. Au contraire, c’est avec classe qu’il mixe des idiomes folk, rock progressif, classique, world music pour nourrir son inspiration et composer des morceaux qui sont séducteurs en évitant les démonstrations superfétatoires. Tout est dans la mesure chez eux.
N’oublions pas la qualité des textes, très lyriques, qui ouvrent le champ des possibles en fait d’interprétations.