COLLAGE, légendaire groupe néo-prog polonais qui a eu son heure de gloire au milieu des années 90 tout comme leurs compatriotes de QUIDAM et ABRAXAS, nous présente son nouvel opus, à la fois inespéré et tant attendu depuis l’annonce de sa sortie cet automne dernier en particulier par celles et ceux qui connaissent le groupe. Un silence studio, ou plutôt une parenthèse musicale, de plus de 25 ans si l’on fait abstraction du DVD live « Living In The Moonlight » sorti en 2004 peu de temps après l’annonce de la séparation de la formation de Varsovie.

Pour rappel historique, le groupe s’était d’ailleurs reformé en 2013 quasiment au moment du départ du chanteur Robert AMIRIAN (officiant aussi dans SATELLITE), remplacé provisoirement par Karol WROBLEWSKI (chanteur officiant dans Mr GIL et BELIEVE). Comble du sort, le guitariste co-fondateur du groupe, Miroslaw GIL, a aussi quitté le navire en 2015 pour se consacrer totalement à sa carrière solo (Mr GIL) et son autre groupe BELIEVE. Après ces changements de personnel, les 3 membres restant de la formation originelle de COLLAGE ont été rejoints par Michal KIRMUC à la six-cordes (ex-STRAWBERRY FIELDS et ayant aussi participé à l’album « Chase The Setting Sun » du groupe pop-rock anglais RED BOX en 2019), et Bartek KOSSOWICSZ (ex-QUIDAM).

C’est avec cette dernière formation complète que le 6ème album studio de COLLAGE fait sa sortie le 2 décembre dernier en format CD, et vinyles (édition double LP noirs et magnifique édition double LP bleus), avec en prime une magnifique pochette colorée et symbolique (conséquences de la pollution marine) tirée d’une peinture fantastique signée par le regretté artiste polonais Zdzislaw BEKSINSKI (1929-2005) dont d’autres œuvres avaient été aussi empruntées par COLLAGE pour les pochettes des deux albums précédents «Safe » (1995) et «Moonshine » (1994). Pour information, ses œuvres (dont celle utilisée pour cet album) sont exposées de manière quasi-permanente (demande testamentaire de l’artiste) principalement au musée du Château de Sanok au sud-est de la Pologne non loin de la frontière ukrainienne.

L’écriture de ce nouveau projet avait déjà commencé lors de la reformation du groupe en 2013. Il en résulte 5 titres (seulement me diriez-vous !?) mais dont le 1er dépasse les 20 minutes et le plus court plus de 5 minutes ! Il est déjà à mon sens nécessaire de prendre le temps de plusieurs écoutes attentives pour essayer de se familiariser avec le long titre épique d’introduction éponyme « Over And Out ». L’ambiance de départ se veut volontairement oppressante (l’arrivée du COVID pendant la fin de l’enregistrement de l’album, et ses tragiques conséquences, a peut-être participé à l’écriture d’une partie des textes de l’opus !?) avec un son enregistré en hôpital d’un cardioscope (l’album se clôturant d’ailleurs par le même son), et l’impression générale au regard des titres de l’album, puis en écoutant les paroles, que la thématique générale oscille entre l’état dépressif, sombre, du personnage central de l’album (fictif ou non) et l’espoir de sortir du tunnel, l’espoir de connaître des jours meilleurs, le pessimisme et l’optimisme ambiant actuel, le Yin et le Yang en quelque sorte, le chaud et le froid, la vie et la mort à l’image de la pochette de l’album.

La courte entrée instrumentale d’ «Over And Out » me fait de suite penser aux sons de claviers répétitifs qu’aurait pu jouer Edgar FROESE de TANGERINE DREAM. Au bout d’une minute, la voix à la fois parlée et chantée en anglais de Bartek KOSSOWICSZ se fait entendre (bien que trop sous-mixée à mon goût par rapport aux puissants claviers de Krzysztof PALCZEWSKI et batterie de Wojtek SZADKOWSKI). Le son reconnaissable du « style » COLLAGE est de mise sur ce 1er titre avec la judicieuse intervention guitare de Michal KIRMUC qui se veut volontairement aussi proche que celle de Michael GIL, nous rappelant les plus beaux moments de l’album « Moonshine » (le meilleur du groupe à mon avis purement subjectif). Ce dernier, avant son départ en 2015, avait donné la « marque de fabrique » du son du groupe dès le 1er album de COLLAGE « Basnie » (« conte de fées » ou « histoires » si l’on traduit littéralement en français). A l’approche de la 3ème minute du titre éponyme, les claviers se font très emphatiques et nous emportent telle une puissante vague musicale, accompagnés par le très bon jeu de batterie de Wotjek SZADKOWSKI. La voix de Bartek KOSSOWICSZ est assez proche, à mon sens, de celle des 1ers chanteurs d’ARENA John CARSON et Paul WRIGHTSON. Mais malgré plusieurs écoutes, à partir de la moitié du titre « Over And Out », en toute franchise, on a tendance à « décrocher » par de (trop) longs passages instrumentaux pas forcément utiles, la voix devenue trop criarde (volontaire je suppose) sur les 3 dernières minutes et le son final général est trop fort dans le mixage, voire confus, malgré les efforts soutenus évidents du batteur en particulier et des autres musiciens.

A ce propos, étonnamment, à la lecture attentive du livret accompagnant l’album, il est noté que Wojtek SZADKOWSKI, aussi seul auteur des paroles de l’album, n’a pas désiré participer à la production de l’album pour raisons de différences artistiques, semble-t-il, avec d’autres membres du groupe.

Ce long (trop !?) 1er titre aurait pu probablement être bien meilleur s’il avait pu être réduit au moins de moitié, même s’il est loin d’être mauvais. A l’écoute d’«Over and Out », le sujet peut faire débat : Est-ce que la légendaire longue durée d’un titre de rock dit « progressif » (surtout justifiée pendant sa période faste des 70’S) rime forcément avec qualité musicale de nos jours ? Pas forcément à l’écoute de la totalité du 1er titre.

« What About The Pain (A Family Album), le 2nd morceau de l’album, est, tout au moins dans la 1ère moitié de sa durée, dans la lignée du style artistique identifiable de COLLAGE des années 90, et accompagné cette fois par une chorale d’enfants portant un message d’espoir au narrateur visiblement nostalgique, désorienté à la lecture des paroles contenues dans ce titre. Dans la continuité de ce dernier, sans pause, arrive « One Empty Hand » le titre le plus court de l’album : commençant par une belle et douce intro piano reprenant la ligne musicale du titre précédent, Bartek KOSSOWICSZ accompagne joliment au chant le claviériste Krzysztof PALCZEWSKI, auxquels se rajoutent progressivement la guitare et la batterie. Titre incontestablement émouvant pour l’auditeur, prenant et gagnant en émotion au fur et à mesure de l’avancée du morceau. D’autant plus que les paroles, à la fois touchantes et oppressantes, évoquent indéniablement la douleur du manque, de l’absence de l’autre, de l’être aimé(e) ou cher(e), le sentiment nostalgique et douloureux de ressentir encore la présence d’un(e) proche disparu(e) ou qui n’est plus présent(e).

L’album se poursuit et se termine en apothéose avec deux derniers titres, à mon avis les meilleurs de l’opus : tout d’abord « A Moment A Feeling » avec ses 13 minutes nous gratifie d’un savoureux mélange de moments calmes et d’autres bien dosés et équilibrés en puissance ; la voix de Bartek KOSSOWICSZ me fait parfois penser à celle d’Edward REEKERS du groupe hollandais KAYAK, et les sons de claviers s’approchent parfois fortement de ceux de Mark KELLY (MARILLION) période « Happiness Is The Road » et même du légendaire Keith EMERSON (ELP) avec la typique sonorité « Moog » sur le final. « Over And Out » se clôture magistralement sur “Man In The Middle”, dans la lignée du tout aussi fabuleux « The Hanging Tree » d’ARENA de l’album « The Visitor » (1998), avec le très judicieux et (comme toujours) éblouissant solo guitare centrale de Steve ROTHERY (MARILLION) invité par le groupe à cette occasion. Les autres musiciens et le chanteur de COLLAGE ne sont pas sans reste sur ce titre final et font une parfaite harmonie commune. Bravo messieurs pour l’interprétation de ce bouquet musical final (paroles et musique sont signées ici uniquement par le batteur co-fondateur du groupe Wojtek SZADKOWSKI), et qui, je n’en doute pas, restera en mémoire pour celles et ceux qui auront la chance de l’écouter et l’apprécier.

Malgré le trop long titre éponyme, l’ensemble de l’album est très cohérent aussi bien dans sa thématique que dans sa musique. Globalement une belle réussite pour un retour inespéré !